Les caves « bâtardes » de Saint Paul des Fonts et des environs

Résumé de la conférence de Maurice Labbé

« les journées Coste »

 

Saint Paul des Fonts le 6 août 2005

 

                        Figure 1: Maurice Labbé, au cours de son exposé

Après un rappel de la définition d’une cave « bâtarde » : une cave ayant servi à affiner du fromage de Roquefort, mais située en dehors de la commune de Roquefort, les caves suivantes, situées sur le pourtour du plateau du Larzac furent décrites : Matharel, sur la commune de Tournemire, Armalière, Landric, la Borie Blanque, les Dalles, Saint-Beaulize et bien évidemment celle de la Cabane située sur la commune même de Saint-Paul.

Ce compte rendu se limitera à décrire en détail cette dernière cave.

Le texte suivant est largement inspiré, mais complété, de l’ouvrage, malheureusement épuisé, intitulé :  « L’épopée des caves bâtardes » publié par Maurice Labbé en collaboration avec J.P. Serres.

 

 

Situation de la Cabane

 

Carte I.G.N. 2541 est  X 658,650 Y 3182,320 Z 700

La grotte de la Cabane est située dans l'angle ouest du cirque de Saint-Paul-des-Fonts.

 

 

Description

                                            

 

Le développement total de la grotte étant de 8km, entrecoupés d'étroitures, de siphons, de lacs, on comprend que ce formidable drain restitue sous forme de forte résurgence les précipitations captées par les vastes surfaces du plateau surplombant la grotte.

 

 

 

 

 

 

  

 Son vaste porche s'ouvre au-dessus d'une petite source alimentant le ravin d'Aubaygue.  

 En période de pluies, l'entrée servant de trop plein crache un torrent furieux.   

                                                                                             

 

 

 

 

 

 

 

Afin de mettre la cave à l'abri de la fureur des eaux, un travail gigantesque fut accompli. Mettant à profit la très grande hauteur du plafond, une voûte de prés de 90 mètres de long fut construite, et la cave établie au-dessus.

 

 

 

 

 

 

 

 

A l'entrée, le sommet de la voûte s'élève à 10 mètres puis, le sol de la grotte remontant, la hauteur diminue pour ne laisser qu'un cheminement de 2 mètres de haut.

 

 

 

 

 

 

 

L'accès à la cave se fait par l'extérieur en empruntant un petit sentier à gauche du porche d'entrée. A l'origine, un chemin, toujours visible, descendait depuis le plateau. On peut encore l'emprunter à 800 mètres après le mas Baldy. Les 100 ou 200 derniers mètres se sont écroulés. La cave est parfaitement conservée, sauf quelques petits effondrements de voûte n'affectant que peu de surface. Sous l'auvent d'entrée étaient établis des bâtiments à usage technique.

 

 

 

 

Une porte en plein cintre, murée, porte  sur son linteau la date de 1653.                           

 

 

 

 

 

Au ­delà, la cave continue entrecoupée de murs percés de portes.

 

                   

 

 

 

 

                   

 

Des murettes le long des parois permettaient de placer le fromage qui, à d'autres endroits étaient mis sur des travées classiques en chêne.

 

 

 

                                             

Historique :

 

Nous ne manquons pas de références concernant cette cave, grâce à nos recherches personnelles, mais également aux notes aimablement communiquées Mme Geneviève Durand et M.Miquel qui ont dépouillé les archives de Malte et en particulier exploité les « compte rendus de visites ». Vu sa situation la cave a du être rattachée à la ferme de la Vialette.

 

1620 : Un acte indique… « d’abord on nous a dit que les caves dites de la Teulière (synonyme : La Cabane) et de Labeil situées au dit Saint-Paul ou l’on prépare le fromage à la façon de Roquefort relevaient de la directe de ladite commanderie…sous la censive de trois quintaux fromage »

 

1688 : Caves de Landric, la Teulieyre et Labeil. Fromage à façon de Roquefort. Inféodées au chevalier de Laumière.

 

1696 : Caves de Saint-Paul appelées Landric, La Taulière et Labeil, où l'on prépare le fromage à la façon de Roquefort, elles furent par permission de la langue de Provence inféodées au chevalier de Laumière qui les a lui-même inféodées à noble Paul de Soulages, seigneur de Roubail, par acte du 27 août 1680 (Carbonnel notaire à Toulouse) sous la cense de 3 quintaux de fromage et 100 livres d'argent par an : le fromage pour le commandeur, les 100 livres au chevalier de Laumière, à sa mort les 100 livres remises à la commanderie.

 

1697, 5 novembre : Messire Marc Antoine de Morlhon résidant à la cave de St. Paul des Fonts dicte un codicile : il lègue à son neveu messire François de Morlhon sieur de Laumière tout ce qu’il peu lui devoir, capital et intérêts ; Témoins Paul et Pierre Guy des Canabiéres (cité par Albert Carriére).

 

1708 : Saint-Paul des Fonts.

Caves de Landric, La Tuillière et Labeil, on y prépare le fromage à la manière de Roquefort. La dame de Nonenque a inféodé a des particuliers une cave appelée de Landric, proche celle de Saint-­Paul appartenant à lad. commanderie de Sainte-Eulalie et construite dans le fond d'icelle, et au dessous du susd, préjudice à l'ordre, lad. cave a été construite dans le fonds de lad. commanderie sans permission ni payer aucune ferme, donc instance devant le sénéchal de Villefranche.

 

1743 : Saint-Paul. 2 caves La Tuilière et Labeil servant à apprêter le fromage affermées à Jean Caylet bourgeois du Mas Baldy.

 

1754 : Saint-Paul.

Le commandeur a deux caves La Tuillière et Label pour apprêter le fromage. La Tuillière fut totalement dévastée par une irruption d'eau qui creva la voûte de lad cave en plusieurs endroits, emporta une grande terrasse qui soutenait un emplacement au devant lad cave et ruina entièrement le chemin qui y conduit.

La cave de Label est impraticable et impropre à apprêter les fromages.

 

1760 : L'un des premiers écrits  publiés en notre possession est de Marcorelles en 1760. Il indique en parlant de la cave de Cotte Rouge: « on y fait par an près de 500 quintaux de fromage (25 tonnes, soit environ 10.000 fromages, NW A). Elle a remplacé les caves de Saint Paul, détruites peu de temps auparavant par des ravines d'eau ».

 

Visite de 1761 : page 23…mais la cave de la Teullière ayant été entièrement dévastée en 1749 par une irruption d’eau qui creva la voûte de ladite cave en plusieurs endroits, emporta une grande terrasse qui soutenait un emplacement au devant ladite cave et ruina entièrement le chemin qui conduisait, le sieur Jean Caylet, dernier possesseur de ladite cave fit assigner le Vénérable bailli aux requêtes pour voir recevoir le déguerpissement ou après plusieurs contestations il fut et s’est obligé de l’accepter par un expédient homologué en le condamnant aux dépens.

 

1762 : Saint-Paul des Fonts

Deux caves à fromage appelées La Tuilerie, l'autre Label. Celle de La Tuilerie détruite par une inondation qui démolit la voûte, détruisit une grande terrasse devant lad. cave, et emporta le chemin donc déguerpissement. Cave de label aussi détruite par une inondation.

 

1772 : deux caves La Teulière et Labeil, déguerpies.

 

1795 :  Il est à nouveau fait état de cette cave le 13 juin 1795 (Biens Nationaux Verlaguet p. 651.) "Baldouy Guillaume, Prieur Curé des Rives, émigré (...)une cave propre à préparer le fromage, située sous les rochers, dits Balses de Saint-Paul et un travers au dessus de la dite cave, contenant 3 set 1/5 avec le chemin conduisant à la dite cave, pratiqué en dessous du rocher appelé La Tuilière(...) estimés 3.300 L adjugés à David Sarrus fils de l'aîné, de Saint Affrique, pour lui et Jean-François Peyre, Commissaire National, Louis Grand, François Crébassa, Jacques-Pierre Vales fils, Pierre Grand du Couvent, Mathieu Teissié Cadet, tous de Saint Affrique : 28.400 livres".

Suivent d'autres lots pour les mêmes. Cette vente à David Sarrus est, s'il en était besoin, confirmée par un article paru dans le journal de l'Aveyron du 13 février 1833 : « A vendre ou a affermer, une cave à fromage, située à Saint-Paul-des-Fonts, avec tous ses accessoires ; plus un champ, un jardin, un bois et un devois ; le tout appartenant par indivis à M Pierre Grand négociant à St. Affrique, et la succession vacante de M. David Sarrus. S'adresser, pour les conditions, à M. Pierre Grand ou a M. Daure, Avocat à St-Affrique ».

Après la destruction des années 1750, si la cave était affermée, c'est donc qu'elle fut par la suite reconstruite, sans doute dans la configuration actuelle, c'est à dire une construction ménageant une circulation d'eau en partie inférieure.

 

environ 1800 :

Nous savons que la cave était louée par Laumière frères de Roquefort ! pour 1000 livres.

Nous n'avons pas d'indications sur une exploitation en fin du siècle dernier. En 1906, Marre dans son célèbre ouvrage sur Roquefort la mentionne dans les caves inexploitées.

 

Cette cave, actuellement propriété indivise entre deux frères et une sœur mériterait d’être restaurée et sauvegardée.

 

Nota : Malgré nos recherches, nous n’avions pu situer la cave de Labeil.

Suite à un appel lancé à l’assistance, un jeune nous a conduit à une grotte qui semble bien être cette fameuse cave.