La botanique dans la peinture : de la symbolique à la décoration, 20 siècles de création

 

 

Résumé de la conférence du 8 août 2010 prononcée par Marie-Hélène Concé

La botanique a aujourd'hui d'autres moyens que le dessin scientifique pour s'illustrer. Photos, films sont omniprésents.

C'est au XVIème siècle que la jeune science botanique a eu besoin de faire appel aux artistes pour pérenniser, de la façon la précise, les plantes qu'elle étudiait et classait.

C'est pourquoi notre sujet a un rapport étroit avec le propos des Journées Coste.

Mais les artistes se sont inspirés depuis bien plus longtemps du règne végétal et on peut évoquer la longue histoire de la représentation des plantes et des fleurs par un choix d'œuvres qui chantent la beauté de la nature mais dont il faut souligner, au delà du plaisir sensible, la complexité polysémique : magique, religieuse, symbolique, décorative, réaliste...dépassant la représentation foncièrement objective qui est le souci de la science botanique.

C'est au cours du troisième millénaire avant Jésus Christ que l'on voit émerger la représentation des plantes - bien après celle des animaux (Lascaux) - dans le contexte des premières civilisations agraires et commerciales de Mésopotamie et d'Egypte, régions semi-désertiques où les plantes comme les oasis figurent un "paradis" pour les hommes.

La transcription des formes apparaît comme une écriture du réel dont l'efficacité magico-religieuse est le fondement.

Fresque Tombe Egyptienne - Nouvel Empire

 

A l'époque hellénistique, au IVéme siècle avant JC, naît la botanique qui, dans un souci de connaissance, souvent appliquée à la médecine met en place les premiers classements et traités dont hélas, aucune illustration d'époque ne nous est parvenue.

 

Planche de Cannabis - Dioscoride de Vienne VIe siècle

Dans le même courant de pensée grecque, la représentation des formes se mue, à cette époque, en transcription d'objets dans leur volume illusionniste. La peinture se donne comme surface sensible faisant appel au travail optique, à la recomposition "tactile" par le spectateur et, pour le plaisir des yeux, à un illusionnisme virtuose jusqu'au trompe l'œil, tout en se soumettant au "récit" littéraire ou religieux, dans une culture qui personnifie la nature dont nous avons l'exemple avec la métamorphose de la nymphe Daphné en laurier.

Mosaïque du jugement de Paris - 115 ap. JC

 

La métamorphose de Daphné - Sicile - IVe siècle ap. JC

 

 

Cette expression artistique atteint son apogée dans les fresques de Pompéi, où le goût d'une peinture réaliste, éternisant l'éphémère de la nature, se mêle à une ambiance poétique raffinée, un sens décoratif affirmé, un naturel spontané saisi au vif d'un esprit d'observation précis.

Fresque « flore » Pompéi 1er siècle ap. JC

 

Le monde médiéval abandonnera les subtilités de ces représentations illusionnistes avant de développer un symbolisme chrétien intégrant un goût pour la nature, œuvre de création divine. Les textes bibliques informeront, par leur poésie, le symbolisme marial :

Dans l'Annonciation de Fra Angelico, Marie rachète la faute d'Adam, prétexte à une évocation minutieuse de la végétation paradisiaque.

 

Fra Angelico - Annonciation - 1430

Le fond du tableau de Martin Schongauer se plaît à détailler dans le jardin clos, inspiré du Cantique des Cantiques les roses symboles de la Vierge Marie.

Vierge aux rosiers - Martin Schongauer

 

Puis, pendant la Renaissance,  au XVIème siècle, on voit dans toute l'Europe se manifester un regain du goût pour la science botanique de l'Antiquité.

Des peintres spécialisés dans la représentation la plus objective de la réalité, jusqu'aux plus illustres artistes s'intéresseront à la connaissance exacte des plantes et des fleurs dont les planches sont avidement demandées par les botanistes pour illustrer les nombreux traités de cette époque. La connaissance étant largement diffusée par l'imprimerie.

Albrecht Dürer - Touffe d'herbes - 1503

Parallèlement les livres d'emblèmes, plus ou moins hermétiques, sont une source pour la symbolique des fleurs largement employée par les artistes.

Arcimboldo - Le Printemps - 1563

 
Le XVIIème siècle ensuite voit se développer le genre indépendant de la Nature Morte,

 

Ambrosius Bosschaert - Bouquet de fleurs - 1620

Les hollandais, utilisant une symbolique spirituelle, morale, religieuse complexe pour attirer le spectateur, au delà de l'éblouissante virtuosité technique vers une méditation sur "les fins dernières " ;

Philippe de Champeigne - Vanité - 1646

 

Alors que les flamands privilégieront la sensualité souriante et décorative des bouquets de fleurs, déployant toute la richesse de la création, dans un sentiment baroque de plus en plus laïque.

 

Jan van Huysum - Nature Morte

 

A partir du XIXème siècle enfin, les artistes devenus plus indépendants de la commande, s'exprimeront de façon encore plus personnelle. Ils cherchent à développer chacun, un langage original, faisant appel à des moyens plastiques novateurs, ouvrant définitivement la voie à l'autonomie de la peinture et se dérobant ainsi à la seule soumission au réel par l'exploitation du potentiel abstrait de la forme florale.

Nicolas de Staël - Fleurs dans un vase rouge - 1954