Les Canalettes

 

 

La première des « Journées Coste » 2010  a profité, le samedi 15 mai dernier,  d’une accalmie du temps maussade et réuni des participants très motivés, archéologues, botanistes et amateurs de ces deux disciplines, sur le territoire des Canalettes (Larzac).

 Le rendez-vous, fixé au Centre Frédéric Hermet de l’Hospitalet du Larzac a été l’occasion de commencer la journée par une visite  de ce musée d’archéologie et de géologie, et en particulier de quelques sépultures Gallo Romaines (Ier et IIe siècles ap. J.C.) représentatives d’une nécropole de 220 tombes découvertes près de l’Hospitalet et fouillées entre 1980 et 1986.

La visite commentée  par Alain Vernhet, archéologue, a permis de découvrir le riche mobilier de sigillée de la Graufesenque et de s’arrêter sur une plaque de plomb coupée en deux  et comportant, sur ses deux cotés, le plus long texte connu en langue gauloise, écrite en alphabet latin. Il s’agit d’une lettre adressée à la druidesse Severa Tertionicna, dans sa tombe, pour lui demander de relever certaines femmes, du mauvais sort de stérilité qu’elle leur avait jetée. Ce texte est important pour la connaissance et la compréhension de la langue gauloise.

 

La deuxième étape de la journée partait de la maison forestière  des Canalettes où, Jean-Pierre Ansonnaud, responsable du massif forestier domanial du Larzac (ONF) a accueilli le groupe  pour un parcours naturel associant de nombreux arrêts sur les stations floristiques d’intérêt et une présentation archéologique des sites. Xavier Perrier, historien et archéologue, qui a conduit les fouilles sur le Roc Castel, ou Rocher de l’Aigle, accompagnait également le groupe. Les terrasses habitables et les abris sous roches de ce relief karstique ont connu des occupations humaines répétées, au néolithique (chasséen) (dans l’abri du bas),  au Ve siècle av. JC, au Ve siècle ap. J.C. et encore au haut moyen âge, avec une période majeure à l’Age du fer, tout cela entrecoupé de périodes d’abandon.

Les fouilles méthodiques entreprises en 2001 montre que l’endroit représente, en effet, un site important de la période du Ve siècle av. J.C. Il y a eu à cette période une installation importante et durable : mise en culture permettant de faire vivre plusieurs cellules familiales.

 A distance du site, nous donnant une vue d’ensemble, Xavier Perrier a décrit le lieu, les recherches, les découvertes, les identifications et les datations et enfin répondu à de très nombreuses questions. Puis il a accompagné le groupe sur ces lieux de vie escarpés, abris  et terrasses offrant une vue panoramique de la forêt environnante.

 

Le retour à la maison forestière pour le déjeuner a suivi le  trait reliant plusieurs stations botaniques, dont une remarquable mare d’eau au creux d’une cuvette Karstique. Cette dernière est particulièrement riche en plantes aquatiques dont la ratoncule naine (Myosurus minimus), qui ne comportent que trois stations connues sur les Grands Causses.

Les désignations de plantes pour l’observation par les membres du groupe et les identifications réalisées par Jean-Pierre Ansonnaud, Christian Bernard,  Claude Bouteiller, et Maurice Labbé, tous trois membres de l’AMBA, se révélèrent fort instructives.

 

Après le déjeuner, très convivial, dans un « abri de chasseurs… contemporain », la visite de la vieille ferme datant du tout début  du 18éme siècle fut le moment d’évoquer l’histoire récente de cette exploitation agricole qui fut achetée en 1936 par l’Etat (Administration des Eaux et Forêts) pour procéder au reboisement des terres cultivées et donner ainsi du travail aux chômeurs, très nombreux à l’époque (application pratique de la théorie économique Keynesienne des grands travaux).

Le pin noir, choisi pour ses qualités d’adaptation et d’emploi a été privilégié. Mais on constate aujourd’hui une progression du hêtre, dans ces pineraies pionnières, dynamique qui pourrait être freinée par l’évolution climatique.

Certains ravins  et certaines « canolles » ont un aspect très « primaire » en raison de l’importance des mousses et lichens que l’on peut y observer.

 

Ce massif est un exemple de bio diversité  entretenue.

 

Le groupe s’est, bien entendu, arrêté à l’ « abri sous roche » des Canalettes,  remarquablement situé au sein  d’une arène rocheuse qui était utilisée régulièrement, pendant un épisode tempérée du paléolithique moyen, par des chasseurs néanderthaliens. Ils chassaient les cerfs, chevaux et aurochs. Ce site exceptionnel dans la région, typique du Moustérien (80 à 50 000 BP), découvert en 1964 par un agent des Eaux et Forêts, a fait l’objet de fouilles partielles établissant la présence humaine sur ces lieux, les hommes de l’époque ayant laissé sur place, notamment,  des outils caractéristiques : racloirs et pointes taillés. Le site est le plus ancien habitat connu des Causses et les fouilles menées par le CNRS pendant une quinzaine d’années ont fait apparaître des occupations importantes et répétitives. Les fouilles ont, aussi, fait mieux comprendre le mode de vie des hommes du quaternaire. L’étude des charbons de bois a ainsi permis de reconstituer une végétation  forestière proche de celle, actuelle, du Causse,  avec Pin Sylvestre et chêne à feuillage caduc.

 

En fin de journée, quelques irréductibles ont foulé sur la pointe des pieds  les pelouses dolomitiques d’Armerie, habitat floristique de grande qualité.